L’actualité en matière de congés payés, depuis les arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023, est conséquente. Elle vient mettre en exergue l’importance, la nécessité même, pour l’employeur d’accomplir toutes les diligences qui s’imposent afin que les salariés puissent exercer effectivement leurs droits à congés. Un arrêt intervenu deux mois après, le 13 décembre 2023, souligne à nouveau l’importance des diligences à accomplir, cette fois à propos du motif du licenciement retenu à l’égard du salarié parti en congés sans que l’employeur n’ait autorisé ces congés au préalable.
Les obligations de l’employeur en matière de congés payés.
En matière de congés payés, il revient à tout employeur de :
- Définir la période de prise des congés : cette période peut s’étendre ou non sur toute l’année, en tout cas elle doit comprendre a minima la période légale du 1er mai au 31 octobre.
- En informer les salariés : au moins 2 mois avant l’ouverture de la période de prise et par tout moyen.
- Respecter la durée minimale du congé principal : les salariés doivent bénéficier d’un congé minimal de 12 jours ouvrables continus durant la période allant du 1er mai au 31 octobre.
- Fixer l’ordre et les dates de départ en congé : après avis du CSE le cas échéant et en tenant compte de certaines contraintes familiales ou professionnelles (cumul de plusieurs emplois, possibilités de congé de l’éventuel conjoint ou partenaire de PACS, présence d’un ou plusieurs enfants dans le foyer, …).
- Informer les salariés des départs en congé : au moins 1 mois à l’avance et par tout moyen. Une modification des dates de départ ne peut pas en principe intervenir dans le mois précédant le départ, sauf circonstances exceptionnelles.
- Veiller à la prise effective des congés : il convient d’assurer un suivi des départs en congé des salariés pour leur permettre de les solder le cas échéant.
- Prendre les mesures nécessaires pour solder les congés : si l’employeur a bien informé les salariés sur la période de prise des congés payés, il peut mettre en demeure le salarié de prendre ses congés. Si celui-ci ne répond pas aux injonctions de l’employeur, soit ce dernier lui impose les congés, soit il informe le salarié qu’à défaut de prise de ses congés, ils seront perdus.
Ces démarches qui sont à réaliser par l’employeur sont d’autant plus importantes dans le contexte actuel, à la suite des arrêts rendus par la Cour de cassation le 13 septembre dernier sur le fondement du droit européen. Rappelons qu’ils écartent les dispositions du code du travail s’agissant des modalités d’acquisition, de report et de prise des congés payés en cas d’absence du salarié pour maladie professionnelle ou non-professionnelle ou à la suite d’un congé parental. Sur le détail de ces arrêts de septembre, vous pouvez vous rapporter à notre numéro du 15 septembre 2023. Des évolutions sont à venir, nous vous en ferons part ; d’abord une décision du Conseil constitutionnel le 9 février, puis une modification du code du travail attendue d’ici la fin du premier semestre 2024.
L’autorisation nécessaire et préalable de l’employeur à la prise des congés payés.
Si l’employeur doit prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, il n’en reste pas moins décisionnaire en la matière. Dès lors, une fois qu’il a informé les salariés de la période de prise des congés dans l’entreprise, chaque salarié doit formuler ses souhaits en matière de pose des congés. A partir des souhaits émis et en tenant compte de chaque situation ainsi que des contraintes de l’entreprise, l’employeur fixe l’ordre des départs en congé et communique celui-ci à chacun des salariés au moins un mois avant les dates de départ en congé.
La jurisprudence prévoit dès lors que si un salarié s’absente de manière injustifiée et sans autorisation préalable de l’employeur, celui-ci commet une faute suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail. Cela justifie donc un licenciement du salarié pour faute grave, ceci à condition néanmoins que l’employeur ait mis en mesure le salarié de bénéficier effectivement de son congé et donc de formuler sa demande.
Pas de faute grave sans respect du formalisme mais un licenciement possible néanmoins.
Dans l’affaire jugée le 13 décembre, l’employeur avait été défaillant dans l’organisation et l’information de la prise des congés. Le salarié s’était alors absenté durant le mois d’août entier, sans autorisation préalable de son employeur. Ce dernier l’avait ensuite licencié pour faute grave.
Le salarié conteste le licenciement et invoque la même directive européenne que celle utilisée par la Cour de cassation pour rendre ses décisions du 13 septembre dernier. La directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 prévoit en effet que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins 4 semaines. En d’autres termes, il prétendait que le droit à congés payés consacré par cette directive s’exerçait sans même l’accord de l’employeur puisque ce dernier ne l’avait pas informé correctement !
La Cour de cassation considère que l’absence injustifiée du salarié ne rendait pas impossible la poursuite du contrat de travail dans la mesure où le salarié qui n’avait pas épuisé tous ses jours de congés aurait pu être autorisé à prendre ses congés pendant le mois d’août s’il avait formulé sa demande auprès de son employeur. La faute grave n’est donc pas caractérisée puisque c’est celle qui, pour rappel, rend impossible le maintien du salarié de l’entreprise du fait de son importance.
Pour autant, le licenciement reste possible et donc justifié dans cette affaire mais pour cause réelle et sérieuse. Le salarié aura donc droit à une indemnité de licenciement et une indemnité de préavis.